Durabilité des bétons légers

Suivant  la  localisation  géographique,  la  période  hivernale  peut  engendrer  des désordres plus  ou moins intenses sur les ouvrages en béton. 

Les agents responsables se classent dans deux catégories : les cycles de gel-dégel et l’application de sels fondants.

Le   nombre   de   cycles   de   gel-dégel   a   une   grande   variabilité   géographique. Annuellement de 0 à Biarritz, il s’élève jusqu’à 126 au nord du Japon alors que l’Ontario en subit  une  soixantaine  par  an.

  Comme  le  rappelle  Whiting  [WHI,  1987],  « les  bétons suffisamment âgés, lorsqu’ils sont secs, résistent naturellement aux cycles de gel-dégel sans précautions particulières.

 Les risques de dégradation par le gel  n’existent que lorsque le béton est au contact de l’eau, dans un état saturé ou voisin de la saturation ». Les cycles de gel-dégel ont une action qui s’étend à la masse de l’ouvrage. Ils provoquent une légère expansion de l’ensemble qui peut engendrer la fissuration du matériau.[CAR, 1992]

L’application de sels fondants, combinée à l’action des cycles de gel-dégel, conduit assez fréquemment à des désordres qualifiés d’écaillage : des éclats de béton se détachent à partir de la surface, tels des écailles. Il s’agit donc d’effets superficiels.

Les auteurs s’accordent à reconnaître que, de nos jours, l’écaillage en présence de sels fondants  cause  les  désordres  les  plus  fréquents  et  les  plus  importants  [CAR,  1992]. Cependant,  la  complexité  des   mécanismes  impliqués,  résultant  de  la  combinaison simultanée de causes physiques et chimiques, a pour conséquence un état des connaissances moins avancé en la matière.

  • Dégradation par les cycles de gel-dégel


  1. Gélivité de la pâte



C’est parce qu’elle occupe des espaces aux dimensions très variées que l’eau d’une pâte se présente sous des formes variables, depuis l’eau libre des pores capillaires jusqu’à une eau très énergiquement adsorbée sur les parois des pores des hydrates (C-S-H) et ne mesurant que quelques  nanomètres.

 Cette dernière forme d’eau, fortement structurée, ne peut cristalliser sous forme de glace que  si la température ne s’abaisse en-dessous de -78°C : en pratique cette situation n’est jamais rencontrée ; cette eau est donc considérée comme non gelable. 

Dans un pore de pâte de ciment, l’eau gèle donc à une température qui dépend notamment de la dimension du pore [CAR, 1992].

2.Théorie des pressions osmotiques (Powers et Helmuth, [POW, 1949]) :


Ainsi, l’eau gèle en premier dans les gros capillaires. Or, cette eau est en réalité une solution comportant différents ions. 



Dès lors, au cours du gel, il se produit une séparation en glace et en solution encore liquide, plus concentrée. L’eau des pores voisins, lorsqu’ils sont plus petits (par exemple les pores de C-S-H), n’a pas encore gelé : sa concentration ionique, ayant gardé son niveau initial, est largement inférieure à celle du gros pore. Ceci va créer un afflux d’eau des petits pores vers les plus gros suivant les lois de l’osmose.

 Ces transferts,  s’effectuant  par  des  cheminements  déjà  saturés,  vont  créer  des  pressions qualifiées d’osmotiques. Si ces pressions viennent à surpasser la résistance à la traction de la pâte,  elles fissurent cette dernière.

 Selon les auteurs, le rôle des bulles est d’entrer en compétition avec les pores où la glace s’est formée, car il apparait aussi un peu de glace à la paroi des bulles. 

Si les bulles sont bien  rapprochées, elles offrent une bonne protection contre le gel, car elles peuvent accueillir l’eau qui arrive sans qu’il ne se crée de contraintes trop importantes.

3. Analyse thermodynamique (Litvan [LIT, 1980]):



On peut schématiquement retenir que la formation de glace, sans qu’il ne se forme nécessairement  de  glace  dans  les  capillaires,  crée  un  déséquilibre  thermodynamique (gradients de pression, température, etc.) qui pousse l’eau des capillaires vers les interfaces pâte-air (bulles d’air).

Ce mouvement engendre des tensions qui sont dautant plus fortes que le trajet à parcourir est long et que la vitesse de refroidissement est élevée.

4.Air entrai

Il  semble  bien  établi  que  pour  les  bétons  courants  douvrages  ordinaires,  une condition  nécessaire de durabilité en conditions d’exposition au gel avec possibilité de psence de sels en solution est qu’ils renferment de l’air entrainé. Les courbes de la figure  2-9 illustrent bien ce constat.
bétons légers
Figure 2-9: Influence du réseau de bulles dair sur la durabilité des bétons soumis à des cycles de gel-dégel, d'après Marchand et coll., 1996 [MAR, 1996]

Le facteur de durabilité est ici le rapport entre les modules d’élasticité dynamique résiduel (à 300 cycles) et initial.

Paramètres caractérisant un réseau dair entrainé [CAR, 1992]


Pour assurer la résistance du béton au gel, il ne suffit pas que le béton contienne de l’air entrainé, il faut également que le réseau de bulles d’air soit bien réparti. Un tel réseau est défini par trois paramètres :

  • La  surface  volumique,  α,  exprimée  en  mm-1,  qui  indique  la  surfacspécifique des bulles dair.
  • Le volume d’air, V, généralement exprimé en pourcentage du volume du béton.
  • Le facteur     d’espacement     des     bulles     dair     ,     qui     correspond approximativement à la demi-distance séparant les parois de deux bulles voisines du réseau supposé régulier.
Le volume d’air entrainé est un moyen simple de contrôle du béton frais. Le dosage généralement  visé varie typiquement entre 5 et 8 %. Cependant, il définit une condition nécessaire, mais pas toujours  suffisante pour une bonne durabilité, suivant la répartition spatiale du réseau de bulles d’air.

Contrairement à certaines idées reçues, le paramètre essentiel garantissant l’efficacité de la protection contre la fissuration interne par un réseau de bulles d’air entrainé n’est en effet pas le volume dair  entrainé, mais bien le facteur despacement qui doit être inférieur à une valeur critique dépendant du béton et de l’environnement.

Processus de production dun réseau de bulles d’air entrainé [CAR, 1992]

C’est  le  processus  de  malaxage  qui  entraine  les  bulles  d’air  dans  le  béton. 

L’utilisation dun adjuvant « entraineur dair » (AEA) a pour sultat pratique la cation de bulles d’air plus petites et  plus stables. En effet, il abaisse la tension superficielle aux interfaces air/eau. 

Dès lors, pour une énergie de malaxage donnée, il permet de créer des interfaces plus étendues, soit des bulles de plus petites  dimensions. La stabili vient du chargement électrique des molécules de l’AEA.

5.Gélivité des granulats

5.1/ Paramètres intrinsèques


La  porosité  et  la  perméabilité  sont  les  caractéristiques  essentielles  qui  créent  le caracre gélif dune roche. Cependant, pour l’étude dun béton, il convient de prendre en considération un paramètre  supplémentaire : la dimension du granulat. 

En effet, si un granulat, poreux même légèrement, gèle dans un béton alors qu’il est saturé, il apparait des pressions hydrauliques qui peuvent le fissurer. À une vitesse  de refroidissement donnée, pour une perméabilité du granulat donnée, il correspond un trajet maximal que l’eau peut parcourir sans que les pressions hydrauliques engendrées n’excèdent la résistance à la traction du granulat : cela définit la dimension critique du granulat.

Le diamètre critique est directement déterminé par la perméabilité et le degré de saturation de la roche.

Il est important de noter que l’indice de saturation du granulat peut influer sur le caracre gélif dune roche, comme le montre la figure 2-10 :
bétons légers
Figure 2-10: Influence de l'indice de saturation (I) sur la déformation d'une roche poreuse au cours de son refroidissement [TOU, 1982]

On constate qu’une même roche peut être plus ou moins gélive selon son état de saturation.
Le gel des granulats dans un béton se manifeste plus fréquemment à la surface du béton:  il  se  traduit  par  des  éclatements  locaux  et  par  la  formation  de  petits  cratères («popouts» en anglais), tels  qu’illustrés sur le schéma de la figure 2-11. La présence de granulats gélifs peut aussi occasionner de la fissuration dans la masse des bétons.

bétons légers

Figure 2-11: Schémas repsentant les dégradations liées à la gélivité d'un granulat [CAR,
1992]

5.2  Influence du volume poreux


Le volume poreux conditionne la quanti maximale deau que peut emmagasiner un granulat et la vitesse à laquelle il peut l’absorber ou la restituer dépend essentiellement de la dimension des pores (lois  de  la capillarité et de la perméabilité). 

Pour comprendre la gélivité du béton, on ne saurait supposer  qu’il  y a simplement additivité des gélivités propres à la pâte de ciment dune part et aux granulats d’autre part. En effet les interactions entre ces deux phases peuvent être élevées. 

Par exemple, un granulat à fortes perméabilité et porosité est susceptible d’expulser facilement de l’eau absorbée. En conséquence, la pâte sera alors envahie dun grand volume deau. Or, cette quanti deau ne peut se déplacer que de faibles distances dans la pâte avant de générer des tensions néfastes.